ADIEU LE CODE DU TRAVAIL.
Le code du travail a connu ce lundi 16 janvier 2006 une évolution fondamentale qui confirme la volonté des acteurs patronaux et du Gouvernement de diminuer son caractère protecteur pour s'adapter à la mondialisation libérale et favoriser la création d'emplois . Dans sa batterie de mesures pour l'emploi, Dominique de Villepin a notamment annoncé hier une «réforme globale du contrat de travail», ainsi que l'ouverture d'une concertation avec les partenaires sociaux sur la rupture négociée de ce contrat entre le salarié et son employeur.
Est venue s'ajouter à ces propositions la publication officielle de l'arrêt de la Cour de cassation sur l'anticipation des mutations économiques. Un arrêt qui, s'il ne bouleverse pas le Code du travail, établit tout de même une jurisprudence autorisant les entreprises à engager des licenciements économiques en prévision de difficultés à venir même si elles sont en bonne santé .
La Cour de cassation a pris une décision d'ordre «politique», même si elle a bien pris soin de préciser qu'elle ne visait en aucun cas à faciliter les licenciements économiques. Elle s'inscrit en tout cas dans la logique de la loi de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo dont l'un des objectifs consistait à anticiper les restructurations pour mieux accompagner les reclassements.
C'est la contestation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) mis en place en 2001 par la société les Pages jaunes, alors en bonne santé financière, qui est à l'origine de cet arrêt .Contesté par les salariés concernés, ce PSE a fait l'objet de recours devant les cours d'appel de Montpellier et de Dijon. Ces deux cours ayant rendu des conclusions radicalement opposées, la Cour de cassation a finalement tranché en faveur de la seconde.
Les avis sur cet arrêt sont très divergents . Pour Philippe Brun, avocat des salariés licenciés des Pages jaunes, "cette décision est dramatique. Il suffit désormais qu'une entreprise exprime des craintes sur son avenir pour qu'elle puisse engager des licenciements pour cause économique. Le propre des entreprises est d'avoir des craintes pour le lendemain».
Pour Alain Sauret, du cabinet Barthélémy, défenseur de l'entreprise «la Cour de cassation est intervenue pour montrer le chemin aux entreprises et leur dire qu'il leur fallait désormais s'orienter de plus en plus vers une démarche préventive. Il est plus facile, lorsque l'on anticipe des difficultés et que l'entreprise est saine, de reclasser les salariés en interne que de le faire une fois confronté à ces difficultés.»
Pour polémique qu'il soit, l'arrêt de la Cour de cassation demeure quand même restrictif. Les entreprises qui voudront licencier aujourd'hui pour moins licencier demain devront pouvoir justifier de la validité des menaces qui pèsent sur leur activité. Probablement ,toutes les anticipations ne seront pas jugées de la même manière . Les mesures préventives des entreprises ne seront acceptées que lorsqu'elles seront justifiées. Les tribunaux garderont un oeil attentif sur les licenciements économiques. Peut-être d'ailleurs encore plus après cet arrêt qui, selon un haut magistrat de la Cour, ne constitue en aucun cas «un blanc-seing pour les licenciements préventifs».
Il n'en reste pas moins vrai que le processus de modification du droit du travail se maintient malgré les critiques .Les salariés et leurs organisations en Guadeloupe devront se montrer attentifs au cours des mois à venir tant les risques sont réels de réduire le caractère protecteur du droit du travail .La logique qui se met en place et qui s'appliquera dans notre pays en raison du dogme français de l'uniformité juridique n'est pas adaptée car nos structures sociales , économiques et géographiques sont bien différentes .
JEAN-PAUL ELUTHER